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« L’autre loi de la jungle »

Nico Cué

Un élan de solidarité exceptionnel a fait l’actualité des dernières semaines. L’accueil des exilés qui transitent notamment par le Parc Maximilien à Bruxelles par d’ordinaires citoyens et quelques autres moins anonymes constitue sans doute un événement fondamental qui réconcilie la société et l’idée que nous nous faisons de la nature humaine. La publicité qu’il a reçue, le soutien qu’il a généré et la résistance notamment aux volontés de criminaliser cette fraternité «normale» sont un fait politique important. Il s’inscrit radicalement à l’opposé des valeurs dominantes.

Edito de Nico Cué

(siehe Deutsche Fassung unten)

La conception de l’égalité est un marqueur fondamental qui distingue les idéologies progressistes et conservatrices. A droite, l’égalité des chances suffit ; après, que le meilleur gagne ! La compétition est la valeur de base. La société serait organisée sur des principes de concurrence vitale, de lutte pour la vie, d’élimination des moins aptes. Au XIXe siècle, cette approche mal élevée sera fondée théoriquement sur une interprétation abusive des travaux de Darwin portant sur l’évolution (d’où la construction d’un concept de « darwinisme social »). Le capitalisme industriel naissant trouvera dans ce bricolage conceptuel les justifications pseudo-scientifiques de son moteur (l’exploitation) et de ses conséquences (l’accroissement des inégalités). Une sourdine sera discrètement placée sur la résonance des grands récits moraux, religieux ou non, qui prônaient généralement l’inverse ; la compassion.

La guerre permanente de tous contre tous, comme « état de la Nature » à laquelle nous n’échapperions pas, s’impose comme nouvelle religion.

A cette époque, la culture dominante – celle des classes dominantes, comme disait Marx !- n’entendra pas l’autre lecture de Darwin ; celle de Pierre Kropotkine, savant russe engagé politiquement dans l’anarchie au contact des horlogers du Jura (la Fédération jurassienne qui participe aux travaux de la première internationale). Lui s’oppose radicalement à l’approche de Hobbes notamment et montre avec une précision d’entomologiste[i] que la nature est au contraire régie par des phénomènes d’entraide. Que la sélection (du plus fort) n’intervient qu’après l’échec des stratégies de coopération. Y compris dans les sociétés humaines. La vision de Kropotkine restera longtemps marginalisée. Après lui, à gauche, on préfèrera sortir la légitimation de ses valeurs de « lois de la nature » pour les raccrocher à un refus du déterminisme en insistant plutôt sur les dimensions culturelles qui permettent de s’en libérer.

Un labourage profond du champ culturel et des croyances utiles au pouvoir va préparer l’avènement, dans les années 80 d’une nouvelle ère, fermant la parenthèse « heureuse » de l’après-guerre faite de croissance, de prospérité et de richesses partagées : celle du « libéralisme réel »[ii] . La privatisation, la dérégulation et la précarisation du travail annoncent le retour à l’avant-plan de toutes les dimensions de cette guerre de tous contre tous comme vision sociale hégémonique.

Une bonne nouvelle

Comme dans un mouvement de balancier, un réexamen des sciences naturelles ramène à l’avant-plan, aujourd’hui, « l’autre loi de la jungle ». L’écologiste français Jean-Marie Pelt a, par exemple, consacré un ouvrage marquant sur la solidarité[iii]. Plus récemment deux jeunes chercheurs, Pablo Servigne et Gauthier Chapelle soulignent dans un livre[iv] de référence : « Dans cette arène impitoyable qu’est la vie, nous sommes tous soumis à la ‘loi du plus fort’, la loi de la jungle. Cette mythologie a fait émerger une société devenue toxique pour notre génération et pour notre planète. Aujourd’hui, les lignes bougent. Un nombre croissant de nouveaux mouvements, auteurs ou modes d’organisation battent en brèche cette vision biaisée du monde et font revivre des mots désuets comme ‘altruisme’, ‘solidarité ‘ ou ‘bonté’. Notre époque redécouvre avec émerveillement que dans cette fameuse jungle, il flotte un entêtant parfum d’entraide… »

Angela Merkel était promise à une dégelée électorale majeure pour avoir tenu bon sur la nécessité d’accueillir les réfugiés au pire moment de la crise européenne de l’asile. Elle restera Chancelière. En France, le procès (à la mi-avril) de Cédric Hérrou, agriculteur qui reçoit et aide dans son exploitation de la Vallée du Roya, à la frontière avec l’Italie, des exilés devient emblématique de la déraisonnable poursuite d’inconcevables… « délits de solidarité ».

Chez nous, la résistance de ceux du Parc Maximilien souffle également un vent frais qui donne à penser que le repli sur soi ne serait plus la seule option dans notre monde en crise ; que la solidarité reprendrait du poil de la bête sur le terrain comme dans l’air du temps. Enfin une vraie bonne nouvelle…

Nico Cué
Secrétaire général

[i]  Pierre Kropotkine, « L’entraide. Un facteur de l’évolution », éditions aden, 2009.

[ii]  Keith Dixon, « Les évangélistes du marché », éditions Raisons d’agir, 1998.

[iii]  Jean-Marie Pelt, « La solidarité chez les plantes, les animaux, les humains », éditions Fayard, 2004.

[iv]  Pablo Servigne, Gauthier Chapelle, « L’entraide. L’autre loi de la jungle », éditions Les liens qui libèrent, 2017


« Das andere Gesetz des Dschungels »


Ein außergewöhnlicher Solidaritätsdrang schaffte es in den letzten Wochen bis in die Schlagzeilen. Die Aufnahme der im Exil lebenden Menschen, die sich zeitweilig insbesondere im Parc Maximilien in Brüssel aufhalten, durch ganz gewöhnliche Bürgerinnen und Bürger, und einige weniger anonyme Personen, söhnt die Gesellschaft wieder mit sich selbst und unserem Bild der menschlichen Natur aus. Die Bewerbung und Unterstützung der Initiative sowie der heftige Widerstand gegen den Versuch der Kriminalisierung dieser « normalen » Brüderlichkeit sind einschneidende politische Fakten, die den herrschenden Werten diametral gegenüberstehen.


Das Gleichheitsverständnis ist ein grundlegendes Merkmal zur Unterscheidung zwischen fortschrittlicher und konservativer Ideologie. Rechts genügt die Chancengleichheit – und soll der Beste gewinnen!  Der Wettbewerb ist ein Grundwert.  Die gesellschaftliche Organisation fuße auf den Grundsätzen des alles entscheidenden Wettbewerbs, Lebenskampfs und der Beseitigung der weniger Fähigen. Im 19. Jahrhundert wird dieses unausgegorene Konzept durch eine missbräuchliche Interpretation der Darwin’schen Evolutionstheorie untermauert (daher der Begriff des « sozialen Darwinismus »). Der entstehende Industriekapitalismus findet in diesem wirren Ideenkonstrukt die pseudowissenschaftliche Grundlage für seinen Motor (die Ausbeutung), und seine Folgen (die wachsende Ungleichheit). Der Resonanz der großen moralischen, manchmal religiösen Erklärungen, die generell das Gegenteil befürworten, wir als diskreter Dämpfer die Barmherzigkeit aufgesetzt.


Der als naturgegeben hingenommene, unausweichliche und ständige Krieg aller gegen alle drängt sich geradezu als neue Religion auf.


In dieser Ära verschließt sich die dominierende Kultur – die Kultur der herrschenden Klassen gemäß Marx! – der anderen Lesart Darwins laut Peter Kropotkin, einem russischen Wissenschaftler, der sich in der anarchistischen Juraföderation politisch engagierte (die zur Ersten Internationalen beitrug). Er widersetzt sich besonders radikal dem Hobbes-Konzept – und belegt mit entomologischer Präzision[i], dass die Natur in Wirklichkeit durch gegenseitige Hilfe geprägt und reguliert wird. Die Auswahl (des Stärkeren) erfolgt erst nach dem Scheitern der Kooperationsstrategien. Dies gilt auch für menschliche Gesellschaften. Kropotkins Erkenntnisse werden lange Zeit verdrängt. Die Linke zieht es nach ihm vor, aufgrund seiner « Naturgesetze » den Determinismus abzulehnen. Hierbei wird jedoch mehr Nachdruck auf die kulturelle Dimension gelegt, um sich davon zu befreien.


Nachdem das Kulturfeld in den achtziger Jahren aufgrund der in Machtkreisen zweckdienlichen Glaubensbekenntnisse gründlich umgepflügt wurde, ist der Boden für eine neue Ära bereit. Somit schließt sich die « glückliche » Klammer der von geteiltem Wachstum, Blüte und Reichtum geprägten Nachkriegszeit. Es folgt also die Epoche des « Realliberalismus »[ii] . Privatisierung, Deregulierung und Präkarisierung der Beschäftigung sind die Vorboten der Rückkehr einer hegemonialen sozialen Vision: der Krieg aller gegen alle.


Die gute Nachricht


Gleichsam in einer Pendelbewegung findet heute « das andere Gesetz des Dschungels » wieder Einzug in die Naturwissenschaften. So widmete sich der französische Ökologe Jean-Marie Pelt beispielsweise in einem Buch dem Thema der Solidarität[iii]. Kürzlich betonten die beiden jungen Forscher Pablo Servigne und Gauthier Chapelle in einem Referenzwerk[iv]: « In der unerbittlichen Arena des Lebens sind wir alle dem ‘Gesetz des Stärkeren’, dem Gesetz des Dschungels unterworfen. Dieser Mythos ließ eine Gesellschaft entstehen, die inzwischen für unsere Generation und unseren Planeten toxisch ist. Heute bewegen sich die Kräfte. Eine wachsende Zahl neuer Bewegungen, Autoren oder Organisationsformen setzen sich dieser verzerrten Weltsicht entgegen und lassen überholte Begriffe wiederauferstehen wie ‘Altruismus’, ‘Solidarität ‘ oder ‘Güte’. Unser Zeitalter entdeckt mit großer Verwunderung erneut, dass in diesem berüchtigten Dschungel der beharrliche Duft der gegenseitigen Hilfe durchdringend vorhanden ist… »


Angela Merkels Wahldebakel war schon vorprogrammiert, nachdem sie auch in der schlimmsten europäischen Asylkrise standhaft daran festhielt, Flüchtlinge aufzunehmen. Sie bleibt dennoch Kanzlerin. In Frankreich steht Mitte April der Prozess gegen Cédric Hérrou an, einen Landwirt, der auf seinem Hof im Roya-Tal an der Grenze zu Italien im Exil lebende Menschen aufnimmt und ihnen hilft. Dieses Verfahren hat symbolische Bedeutung für die unzumutbare Verfolgung unvorstellbarer … « Solidaritätsverstöße ».


Hier bei uns ziehen mit dem Widerstand im Parc Maximilien ein frischer Wind und die Vermutung auf, dass ein Perspektivwandel doch möglich und der Rückzug auf sich selbst nicht mehr die einzige Option in unserer krisengebeutelten Welt ist. Die Solidarität erstarkt offenbar wieder – in der Praxis wie im Zeitgeist. Endlich eine wirklich gute Nachricht…


Nico Cué
Generalsekretär


[i]  Peter Kropotkin, « Gegenseitige Hilfe. Ein wesentlicher Faktor der fortschreitenden Entwicklung », Aden, 2009.

[ii]  Keith Dixon, « Les évangélistes du marché », Raisons d’agir, 1998.

[iii]  Jean-Marie Pelt, « La solidarité chez les plantes, les animaux, les humains », Fayard, 2004.

[iv]  Pablo Servigne, Gauthier Chapelle, « L’entraide. L’autre loi de la jungle », Les liens qui libèrent, 2017